« le Bois en Mouvement »

Il donne une âme au bois

Lutrin de cathédrale, œuvre géante pour lycée, le sculpteur châtelleraudais Francis Guyot est en vedette aussi à Paris.

Il est né dans la sciure et l'on imagine que, enfant, il s'est fabriqué des navires en écorce pour voyager ses rêves aux bords des trottoirs de la ville. Avec un père menuisier, Francis Guyot le Poitevin a grandi tout près de l'atelier, d'où lui parvenaient les senteurs fortes du bois travaillé, poussière voletant dans la lumière.

Une passion est née, qui n'a pu s'exprimer alors davantage, le fils d'artisan est devenu médecin près de Châtellerault. Les retrouvailles avec l'ormeau, le buis et la ronce de noyer ont eu lieu plus tard. Épousailles célébrées dans l'intimité d'un atelier, où ont vu le jour des créations qui ont immédiatement séduit. Médaille d'or à Chinon pour une première exposition, invité d'honneur du salon des Beaux-arts local, réception à l'Hôtel de Région, puis à la maison du Poitou-Charentes à Paris, reportage sur France 3...

Des « visions » arrachées aux troncs de tilleuls et aux ramures de chêne qu'il va chercher lui-même, perché sur un tracteur, à l'orée d'une clairière, au fond d'un jardin. Des « visions » dont il restitue l'âme en formes saisissantes, courbes sensuelles ou lignes épurées : la beauté d'une femme, un cheval au galop, un couple qui s'aime, une piéta de souffrance. Bois tronçonné, tranché, découpé, creusé, lisse sous la paume, doré, brun, vivant.

Douze « Naissance »

L'histoire aurait pu s'arrêter là, son cours s'est accéléré. En 1996, les laboratoires Roche à Paris, exposent quarante œuvres en ouverture d'un congrès international. Clins d'œil au pays : « Le Cagouille » et « Poire Guyot » côtoient un oiseau géant « Atlantique ». Jean-Luc Couillaud, directeur de la Galerie 26, avenue Matignon, et d'une autre place des Vosges, est l'un des visiteurs les plus intéressés. Rendez-vous est pris, il se concrétisera au mois de juin prochain.

Auparavant, Francis Guyot a réalisé un lutrin pour la cathédrale de Poitiers. Quatre évangélistes qui portent le grand Livre : l'évêque, Mgr Rouet, est assez enthousiasmé pour souhaiter que l'artiste s'attaque à un nouveau cathèdre, fauteuil où le chêne pourrait côtoyer le moderne altuglas.

Un projet plus global,  on évoque le maître-autel de la cathédrale,  est désormais en cours. Comme c'est le cas pour une œuvre géante qui signera l'entrée du tout nouveau lycée privé Saint-Jacques-de-Compostelle : « J'ai recherché un symbole fort », note le sculpteur : « Mais je ne voulais pas une simple illustration, une imagerie du pèlerin... » Ce sera donc le bourdon, ce bâton dont la tête pommée ira se perdre dans la lumière des verrières. Autre production de Guyot, « Naissance », ce  bronze patiné couleur miel que  Landowski, nec plus ultra des fondeurs (il travaille notamment pour César), a choisi afin  de reproduire en douze exemplaires. Une sorte d'œuf ouvert dont le premier, encore chaud, a déjà trouvé acquéreur.

L'artiste n'en garde pas moins la même simplicité. Et conservé un cercle rapproché pour l'amitié, l'accent « poitevin » du toubib pour déstresser les patients, le travail acharné dans l'antre où éclosent les chefs-d’œuvre... Une once de rabelaisie, quand on  côtoie la mort comme on aime la vie !

Claude AUMON.

NR 1997 - 26 av matignon

 

  1. « C'est ma vie, »

Fils de menuisier, l'outil est depuis mon enfance le compagnon de ma vie. Je m'en sers, il me soumet, je le modifie, il me perfectionne pour arriver au fil des jours et des années à un couple indissociable.

Cette osmose est le support, le moteur de l'acte créateur sans quoi rien ne peut se produire.

C'est le métier !

Celui-ci permet, peu à peu, de traduire la problématique de l'expression et d'arriver à son jaillissement matérialisé par l'œuvre. Le doute est permanent... Mais le travail, l'ascèse, sont le support de la certitude.

La communion entre l'esprit et le métier permet une gestation tantôt douloureuse, tantôt joyeuse, toujours tourmentée, pour une naissance remplie de bonheur.

C'est le moment sublime qui rapproche de Dieu. C'est l'image idéale, véritable liberté, instants intenses entre l'homme et la spiritualité matérialisée dans l'œuvre...

« Le Baiser », « la Femme », « les Amants »,
« la Misère », « la Danse », « la Crucifixion »,
« la Mort », « la Pietà ».

C'est la vie.

Ce sont mes sculptures.

Francis Guyot